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18 avril 2011

Discrimination, dites-vous ?

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La récente étude menée sur les expériences de CV anonyme recèle, pour qui veut bien la lire objectivement, une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne : les patrons français ne sont pas aussi racistes qu’on a longtemps voulu le faire croire. La mauvaise : l’école française est dans un état lamentable, et crée plus que jamais l’inégalité.
 
En effet, cette étude du Centre de recherche en économie et statistiques (Crest), du Laboratoire d'Action contre la pauvreté (J-Pal Europe) et de PSE-Ecole d'économie de Paris sur les résultats d’une généralisation du CV anonyme dans huit départements démontre que, si l’on efface l’identité et l’origine géographique des candidats, si plus rien ne distingue un postulant issu de l’immigration, vivant dans une banlieue de sinistre réputation, d’un candidat venu de n’importe où ailleurs, les jeunes gens que l’on aime dire « issus de la diversité » ont encore moins de chances d’obtenir un entretien d’embauche. Les statistiques sont implacables : en cas de CV identifié, les probabilités d’obtenir un rendez-vous sont de 1 sur 8 pour un candidat lambda, et de 1 sur 10 pour un candidat vivant en banlieue, et issu de l’immigration. En cas de CV anonyme, les chances tombent à 1 sur 22 pour ces derniers.
 
Comment interpréter ces données brutes ? Les auteurs de l’étude supposent que les patrons, devant le courrier d’un candidat venu des banlieues, pardonnent plus facilement les fautes d’orthographe ou de grammaire, et se montrent moins méfiants vis-à-vis des « vides » biographiques, ces périodes de non activité qui entachent un parcours « normal ». Pour le dire clairement, les patrons pratiquent spontanément une forme de discrimination positive. Avec un CV bancal, le candidat défavorisé par son origine géographique se verra juger sur d’autres critères : on lui donnera sa chance. Voilà qui va ravir les jeunes gens qui vivent en milieu rural et rurbain, et qui n’ont pas droit à tant de mansuétude. Rappelons simplement que 85% des foyers défavorisés vivent en dehors des banlieues…
 
En tout état de cause, le démenti apporté à tous les discours culpabilisants sur le racisme supposé des Français, et notamment des employeurs, est criant. Ces derniers ont intégré les discours sur la « diversité », sur les discriminations et la « stigmatisation » des banlieues. Certes, ce constat est à nuancer, puisque l’étude en question semble présenter un biais tout à fait singulier. En effet, la seule comparaison valable eût été entre des CV identiques, accompagnés de lettres de motivation correctement rédigées. A diplôme égal, à qualités égales, un candidat noir ou arabe a-t-il autant de chances qu’un autre ? L’étude ne le dit pas. Mais elle ne le dit pas parce que le problème n’est visiblement pas là, ou du moins pas majoritairement.
 
Car ce que nous apprend également cette étude, c’est donc que, plus que les autres postulants à des emplois, de quelque niveau qu’ils soient, les jeunes gens venus des banlieues et issus de l’immigration envoient aux employeurs des missives surchargées de fautes d’orthographe et de grammaire. De sorte que leur candidature est immédiatement invalidée selon les critères normaux en vigueur dans le monde du travail. De là, une seule conclusion à tirer : l’école française est parfaitement incapable d’enseigner les bases de ce qui fait qu’un jeune peut s’insérer dans la société, les codes et les règles du langage commun.
Ce n’est pas le racisme d’une France frileuse et renfermée, comme on veut trop souvent nous le faire croire, mais la destruction de l’école républicaine dans ses missions de base qui empêche l’intégration et crée des inégalités flagrantes. Et la meilleure preuve de cela est bien à chercher dans cette étude même, puisqu’elle démontre que, là où il y a réellement discrimination, alors que les niveaux scolaires sont les mêmes, le principe du CV anonyme fonctionne à merveille et corrige les biais : c’est entre hommes et femmes. En effet, l’étude démontre que face à un recruteur masculin, une femme n'a qu’une chance sur 27 d'être reçue en entretien, contre une sur cinq pour un homme. Quand le CV est anonyme, ô miracle, les femmes ont 4,5 fois plus d'occasions de passer le cap du tri des CV…
 
Une fois de plus, quiconque veut bien, de bonne foi, se pencher sur ces chiffres en tirera la conclusion que l’urgence est de rendre à l’école son efficacité dans les plus petites classes, là où s’apprennent ces règles que ne maîtrisent pas les jeunes gens issus de quartiers difficiles. L’urgence est dans une remise à plat des méthodes de l’école, et non dans l’ensemble des gadgets que proposent les différents partis pour habiller la misère. Si le fondement de notre république est dans l’idée que la puissance publique doit l’instruction au peuple, le grand échec des politiques, depuis ces trente dernières années, est essentiellement là.
 
 
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