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14 octobre 2011

Il faut sauver le chocolat !

Alors que le 17e Salon du chocolat va célébrer le talent des pâtissiers et leurs capacités à développer les arômes soutenus par les notes à la fois amères et délicatement sucrées qui enchantent tous les amateurs de Theobroma cacao, le chocolat est menacé.

En 2003, la puissante industrie chocolatière avait obtenu qu'une directive européenne autorise l'ajout de matières grasses végétales (dont l'huile de palme) au beurre de cacao dans la production du chocolat alimentaire. Aujourd'hui, l'affaire est autrement plus sérieuse. Explication...

Plante d'ombre à feuilles persistantes, le cacaoyer aime les sols profonds, riches en humus, que lui offre la forêt tropicale. C'est un arbre de 4 m à 5 m de hauteur de la famille des stéruliacées qui produit des baies ovoïdes, les cabosses, dont les graines violacées fournissent le cacao.

Aujourd'hui, 95 % de la culture des cacaoyers est assurée par une agriculture familiale paysanne vivant sur des plantations de un à trois hectares, rarement plus, en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie. Il existe trois variétés de cacaoyers : le criollo qui produit un cacao fin et délicat ; le forastero - c'est le gros de la troupe (90 % de la production mondiale) et le plus rustique - ; ainsi qu'un hybride des deux précédents, le trinitario dont les fèves, les plus aromatiques, sont très prisées.

Le forastero nacional, produit en Equateur, est un des plus recherchés. Au cours du XXe siècle, la production de cacao, soumise à une demande croissante, a été multipliée par 25. Or, le succès du chocolat, paradoxalement, pourrait aussi bien conduire à sa perte.

En Equateur où les grandes plantations de cacaoyers datent souvent de l'après-guerre, les arbres sont vieillissants et leur production en déclin. Les arracher, comme les vieux cépages dans un vignoble, c'est accepter d'attendre sept ou huit ans que la nouvelle plantation soit en état de produire les cabosses et leurs précieuses pépites.

Dans les années 1970, un chercheur en arboriculture avait obtenu un hybride de cacaoyer particulièrement précoce, résistant et productif, baptisé CCN 51 ou Don Homero, du nom de son inventeur, Homère U. Castro.

Après le bouleversement climatique d'El Nino en 1995-1996, qui a détruit une grande partie des cacaoyers du Pérou et de l'Equateur, cet hybride a été planté, dès 1997, et a donné des résultats spectaculaires. Non seulement il est productif après deux années seulement, mais la quantité de cabosses est environ quatre fois supérieure à celles produites par l'ancienne variété.

Déjà 35 % des anciennes plantations ont été remplacées en Equateur, selon André Deberdt, spécialiste en agriculture biologique, créateur de la marque Kaoka. L'Indonésie aussi s'emploie activement à utiliser cet hybride miracle. "Le problème, dit Pierre Marcolini, chocolatier à Bruxelles, est que cette nouvelle race aux cabosses séduisantes ne possède aucun des arômes qui font un grand cru de chocolat." Le risque développé dans un dossier de YAM-Le magazine des chefs (nº 5-octobre 2011) est de voir les industriels privilégier la quantité de cacao à la qualité des fèves, et s'accentuer le clivage entre une production de masse médiocre et une production de niche de qualité déjà constaté après la directive de 2003.

Là n'est pas la seule conséquence de la prolifération du CCN 51. Ce nouveau cacaoyer est très résistant, il n'a cure de la pénombre procurée par les arbres centenaires de la forêt tropicale. Il pousse en plein soleil. On procède donc pour le replanter à une déforestation massive. Et déjà, de nouvelles maladies apparaissent qui appellent des traitements chimiques que les cacaoyers ignoraient jusque-là.

Pierre Marcolini estime être à l'abri du prévisible abaissement de la qualité des fèves, car il est avec Pralus, Bonnat, Valrhona en France, l'un des rares à sélectionner les fèves sur place, mais la production de masse risque fort d'en faire les frais.

http://www.lemonde.fr/aujourd-hui/article/2011/10/13/il-faut-sauver-le-chocolat_1587180_3238.html

 

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