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2 mars 2007

Des larmes sur le toit du monde

La nouvelle ligne ferroviaire Pékin-Lhassa menace l'héritage culturel du Tibet (de Richard Gere) 

La voilà terminée, la ligne ferroviaire située à l'endroit le plus élevé du monde. Pékin-Lhassa, c'est une performance en ingénierie à couper le souffle et qui témoigne de la grandeur de la Chine. Cependant, en même temps cette ligne représente la plus grande menace envers la survie de l'identité unique religieuse, culturelle et linguistique tibétaine. Ou encore, comme l'exprima un bouddhiste tibétain connu qui mourut après de longues années d'incarcération par les Chinois: Le chemin de fer entraînerait "une période de misère et d'obscurité" pour le Tibet. 

Le chemin de fer sur le "Toit du monde" entraînera une militarisation encore plus poussée de la région, il accélérera davantage l'exploitation déjà épouvantable des ressources du Tibet et fera augmenter le nombre d'immigrants chinois - tout en marginalisant davantage le peuple tibétain. Dans la capitale de Lhassa, à l'heure actuelle, les Tibétains constituent déjà une minorité. 

Après l'invasion chinoise en 1949/1950, des milliers de couvents bouddhistes furent détruits, des centaines de milliers de Tibétains moururent. De nos jours, l'oppression est devenue plus subtile. Quelques couvents furent reconstruits - la plupart servant d'objets exposés pour le nombre croissant de touristes visitant le pays. Il est cependant devenu impossible pour les Tibétains de bénéficier d'une formation religieuse adéquate. Rien que de posséder une image du Dalaï-Lama constitue déjà un fait punissable. 

Un vieux nomade m'a raconté les problèmes de ses fils qui ne trouvent travail ni dans les minières locales, qui n'emploient que des Chinois, ni dans les magasins, qui ne vendent que des marchandises chinoises. Le bétail avait déjà été saisi à sa famille par les autorités, les nomades au Tibet devant être domiciliés de façon stable. Le vieil homme me dit: "Ils m'ont arraché mes terres d'en dessous de mes pieds". Dépourvues de terres héréditaires et sans religion, des cultures disparaissent. Est-ce cela que veulent les Chinois en vérité? 

La ligne ferroviaire du Tibet a coûté quatre millions de dollars et fait partie du plan d'infrastructure chinois "Le grand saut vers l'Ouest". En vérité, la construction fait plutôt référence à des intérêts stratégiques et politiques qui remontent aux années 40. En conséquence, les principaux profiteurs devraient en être les troupes d'occupation, les entreprises chinoises ainsi que les colons - tous sauf le peuple tibétain. Les Tibétains ne peuvent ni survivre dans l'économie dominée par les Chinois ni profiter du succès de ces derniers. 

La nouvelle ligne entraîne également une oppression renforcée des droits politiques. Le nouveau dirigeant du PC, Zhang Qingli, a évoqué récemment le "combat à vie ou à mort" contre le Dalaï-Lama et ses fidèles. Il est décevant de voir qu'à un moment où tant de Chinois sont fiers des exploits techniques de leur pays, le gouvernement a recours à un langage qui semble être resté enfoncé dans la paranoïa de la révolution culturelle. 

Le président chinois Hu Jintao a inauguré la ligne le 1er juillet dernier. Dans les années 80 il était chef du parti dans la région et à cette époque il fût responsable des tortures et d'arrestations en masse après l'introduction du droit de la guerre à Lhassa. Les Tibétains n'ont pas oublié son rôle d'oppresseur.

Le chef d'état Hu fût également responsable en personne de l'introduction de la politique de développement accéléré qui s'est avérée être un désastre pour autant de Tibétains. Cette politique se base sur le modèle des villes chinoises et ne prend aucun égard aux traditions tibétaines. 

Hu pourrait réaliser un vrai "grand pas vers l'avant" ainsi que faire preuve de vraie bonne foi en accordant aux Tibétains, eux aussi, des possibilités de développement économique, en protégeant l'identité religieuse et culturelle tibétaine et en incluant le Dalaï-Lama dans les décisions concernant l'avenir du Tibet. Depuis 2002, il y a certes eu cinq entrevues entre Pékin et les émissaires du Dalaï-Lama - les premières après des décennies de stagnation -, cependant, il n'y a jamais eu de déclaration formelle de la part de la Chine à propos de l'identité culturelle du Tibet. 

Le Tibet est riche en héritage culturel. Sa religion repose sur les principes de la sagesse et de la compassion, ainsi que sur le message de l'interdépendance et de l'absence de violence. Tout cela est profondément implanté dans le paysage du Tibet et dans les cœurs de son peuple. La survie de l'héritage bouddhiste dans son pays natal n'est pas seulement essentiel pour le peuple tibétain, mais pour le monde entier. L'éveil de la Chine en tant que grande puissance ne doit plus équivaloir à une destruction continue de l'héritage tibétain. 

Source: Tagesspiegel, 6.8.2006
L'auteur est acteur et président de la campagne internationale pour le Tibet (www.savetibet.org).
Traduction française: Diane Meunier-Calzi (Les Amis du Tibet, Luxembourg)

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